Aujourd’hui 8 mars, c’est la journée des droits des femmes et accessoirement l’anniversaire de Martine Druez, consultante coach depuis 12 ans chez Amplitude. Rencontre avec une personnalité atypique.
Peut-on choisir d’être un homme ou une femme ? La réponse est évidente, mais peut-on décider d’agir, de se comporter « comme » une femme ? Un choix assumé et rassurant selon Martine, qui n’a jamais rencontré de problème lié à son genre durant sa carrière. Peut-être quelques propos sexistes de seconde zone venant d’un idiot persuadé d’être à mourir de rire, mais jamais rien qui nuise directement à sa personne et à sa condition de femme. D’ailleurs, Martine considère son genre comme une véritable force, quand d’autres rencontrent des dizaines d’obstacles insupportables. Alors, est-ce un conflit générationnel, une question de chance ou une prise de conscience ?
Tu seras un homme, mon fils
Diplômée d’un DEA langue orientale et d’un Master II en commerce international, Martine Druez grimpe rapidement les échelons sans parachute. L’entreprise industrielle qui l’embauche lui accorde toute sa confiance, jusqu’à la propulser en Russie pour certaines négociations. Ce qui est comique, c’est qu’elle y perçoit pour la première fois la spécificité de son genre : les hommes refusent d’y aller, de peur de faire éclater leurs familles. Si l’on tente d’en détailler rapidement la raison, après la chute du mur de Berlin, la Russie adoucie ses mœurs et l’environnement social conditionne les femmes russes à s’accorder une histoire d’amour romantique et passionnée au bras d’un Français. De fait, elle fait la connaissance du terrain de la vulnérabilité, qu’elle décide de pousser vers la sortie.
Née au sein d’une famille française modeste, Martine a toujours été captivée par l’envie de prouver quelque chose. Quoi exactement elle n’en sait rien, mais son déterminisme insoupçonné fonctionne. Elle livre sans subjectivité que son genre a toujours été une force pour elle, un atout. Toujours bien accueillie par ses collègues et dans ses différentes entreprises, elle n’hésite pas à jouer la carte de la féminité. « Porte un tailleur ! » ne lui fait ni chaud ni froid, elle prend même le contrepied et affirme son style, n’en déplaise aux collègues traditionnels et qui ignorent tout de l’importance d’être différent et de se démarquer. Car pour elle se démarquer, c’est prouver son importance et marteler sa confiance en elle. Même si elle pense le contraire, sa confiance a toujours fait partie de sa réussite, qu’elle soit volontaire ou non.
Les X et les autres
Durant sa carrière, elle admettra que la société française n’est pas encore prête à laisser une large place aux femmes dans les comités de direction. Là encore, le sexisme n’est pas omniprésent et ses relations avec les multiples polytechniciens en place ne la dérange absolument pas mais selon Martine, notre société aime créer, façonner des employées qui sont en accord avec cette ségrégation sociale patriarcale, où le plafond de verre n’explosera jamais. Néanmoins, comment cela peut-il changer si les femmes ne le provoquent pas ? Chanceuse, elle déclare qu’aucun syndrome de l’imposteur n’est et ne sera d’actualité. « Notre genre, il faut en faire une force » martèle-t-elle. Nous devons arrêter de penser comme une femme qui ne peut pas avoir ce qu’elle désire, mais comme une femme qui mérite ce qu’elle désire.
Un tournant significatif
Après 12 ans dans le commerce, une nouvelle perspective germe. Le capital humain prend le pas sur le capital financier. Profitant d’un PSE dans sa boîte agroalimentaire, elle repart à zéro avec une appétence toute trouvée pour la communication et les ressources humaines. Persuadée de pouvoir apporter à autrui, elle démarre sans aucune hésitation une formation de psychopraticienne, et trouve inspirant le fait de coacher des hommes et les femmes sur des problématiques propres à leurs genres selon les normes de la société. Un tournant significatif donc, pour une personnalité charismatique et déterminée.
Chez Amplitude, elle travaille sur des thématiques actuelles sur le leadership, sur des modules Stop Harcel’, sur le coaching et les processus à adopter lorsque l’on rencontre des soucis de harcèlement, qu’ils soient de nature moraux ou sexuels. Plus que la résilience, Martine croit en une croissance post-traumatique et reste contre la victimisation. Le relativisme est de mise, ainsi qu’une forte dose d’empathie. Elle-même a subit un harcèlement moral, qu’elle a su cloisonner et en faire une véritable force dans son quotidien.
Croyez en vous !
D’un autre côté, on comprend bien pourquoi elle axe ses accompagnements de cette manière : son rejet pour le mur invisible est plus que perceptible, et ses croyances sont en faveur d’une acceptation du statut du genre. Accepter et faire valoir son genre peut devenir un véritable atout stratégique, tant sur le plan professionnel que personnel. A partir du moment où l’on fixe ses limites dit-elle, tout est possible. Constamment remettre nos propres compétences en doute est inutile, et vous prouvez aux autres que vous êtes en accord avec eux, vous les acceptez au lieu de percevoir vos croyances genrées et assumées.
Lorsque Martine coach des hommes, elle reconnaît que la société les persuade qu’ils doivent changer et qu’ils ne font pas ce qu’il faut à l’encontre des femmes. Aujourd’hui, les hommes ont « la pression » : la société distingue les hommes « biens » et les « porcs ». Exacerbé par les réseaux sociaux comme l’hashtag puis mouvement balance ton porc et name and shame par exemple, les hommes ont peur des pressions sociales et n’ont plus le droit à l’erreur. Sur cette thématique, Martine veut instaurer une forme de relativisme. « On ne minimise pas mais on écoute, on reste bienveillant, sans complaisance. »
Une culture à remodeler ensemble
Notre culture latine reste omniprésente et c’est pourquoi le harcèlement reste fréquent. Nous demeurons dans une société patriarcale, où la contestation commence à gronder. Si l’on se place du côté historique, c’est un schéma classique ; l’ultra mobilisation contestataire se forme, pour laisser place au militantisme classique puis apparaît un changement significatif des mœurs. On observe donc la même chose dans notre pays avec la question du genre : le féminisme adopte parfois une forme d’agressivité où le discours peut être ultra violent. Il n’y a pas encore de norme. Pour Martine, on souhaite absolument dégenrer alors qu’il faudrait seulement cultiver un brassage des genres. On peut donc observer un « conflit » générationnel sur ces thématiques.
Autrement, ce que l’on doit retenir de ce portrait, ce n’est pas le fait qu’elle connaisse Saint Pétersbourg sur le bout des doigts ou qu’elle opte pour la jupette plutôt que le tailleur gris chiné. Non le plus important, c’est que Martine est une femme qui aime être une femme.